– Mais puisque je te dis que tu t’es fait enfler !
– N’importe quoi. C’est juste qu’on sait pas s’en servir. Essaies de la frotter entre tes mains et fermes les yeux.
– T’aurais du dire au vieux type de nous payer en monnaie sonnante et trébuchante plutôt que de te laisser refourguer cette caillasse.
Gorbiis retournait la pierre dans tous les sens et restait persuadé que son ami Baric, un elfe sympa mais quelque peu simplet, s’était fait avoir. Il râla de nouveau.
– Et pourquoi une rune pour dormir, d’abord ? A quoi ça te servirait ?
– Comme ça, quand on est en bivouac, j’aurais pas de mal à dormir même si on entend les loups. Rétorqua Baric.
– Et tu comptais faire comment pour partager le butin en deux ?
– Ben on se la prête. Une nuit, elle est à toi, et une nuit à moi.
– Mais c’est pas possible d’être aussi stup…
Lucine, qui en avait assez de les entendre se disputer, s’approcha, prit la pierre d’un coup sec et la renifla.
– C’est d’la teinture ton truc. Ça a rien de magique.
– Tu vois que tu t’es fait arnaquer mon vieux !
– Oh toi fermes l… Baric lança la rune sur Gorbiis hilare qui l’évita de justesse.
Un bruit de choc sur un casque ainsi qu’un corps qui s’écroule se firent entendre.
– Bon. On se les pèle là ! Il fout quoi le marchand ?
Blysse piétinait le quai en bois de long en large en grognant des jurons depuis un petit peu plus d’une demi-heure lorsqu’arriva au bout de la rue une vieille charrue remplie de foin et tirée par un cheval assez vieux. Un fermier à l’air tout aussi âgé conduisait l’assemblage. Une fois arrivé à quelques mètres, il s’adressa à la soldate.
‑ C’est vou pou’ l’blablachval ?
– Ouais, c’est moi. Blysse serra les dents. Y’avait marqué une quatre chevaux tout confort sur votre annonce sur le site !
– Oh v’savez moi le Ouaib j’y comprends rien. V’montez ou pas ?
– Mais c’est quoi cette odeur ? Lança la soldate en se pinçant le nez. Je pensais que vous étiez marchand ! – Ouais, marchand d’purin, ouais.
Une odeur pestilentielle se dégageait du chariot. Ce qu’elle avait pris pour du foin était en fait du fumier. Elle monta tout de même sur celui-ci car elle devait se rendre à la ville voisine et il n’y avait pas de ligne officielle le mardi.
– Jour’, ça f’ra cinq pièces.
– Par contre pour le prix vous vous êtes pas trompé ! Vous avez mis celui pour la quatre chevaux. Deux pièces, ou j’te dégage de ton chariot.
– Bon bah va. Fit le fermier. Et c’est où qu’è va ?
– A la bibliothèque de Molline.
– Ah j’ai une arrière cousine que trav…
– Mais c’est qu’il a le bec qui pue autant que son chargement celui-là. C’est pas possible ! Tu sais ce qu’on va faire ? On va juste pas parler jusqu’à ce qu’on arrive à destination. Ok ?
Le vieux fermier grogna un juron et se reconcentra sur sa bête qui avançait tant bien que mal. L’attelage n’avait pas encore dépassé le bout de la rue et les passants se regroupaient pour injurier le groupe de voyageurs pour l’odeur.
Blysse enfila son casque à touffe bleue pour écouter de la musique et laissa défiler le paysage, lentement. Le conducteur avait quant à lui commencé une longue conversation avec son cheval.
Soudain, tandis qu’ils atteignaient la sortie du village, un homme attira le regard de Blysse. Il tenait une chèvre en laisse et faisait de grands signes en leur direction.
– Mais qu’est ce qu’il nous veut lui ? Marmonna-t-elle.
– ça doit êt’ l’suivant.
– Ah parce qu’on va le prendre ? Blysse fulminait.
Le chariot s’arrêta juste à côté de l’homme à la chèvre qui souleva sa chèvre et la posa à côté de la soldate en lançant un son incompréhensible.
– ssai pas d’y causer, il est con comme ses bottes. I sait pas parler.
– Au moins une bonne nouvelle.
L’idiot grimpa sur l’attelage, s’assit et lança un sourire de toutes les dents qui lui restaient à Blysse. Puis, il tourna la tête vers l’avant et sembla plonger dans une contemplation béate du paysage en bavant.
Les quatre voyageurs, entassés, reprirent leur route.
– Mais c’est qu’elle bouffe mon froc celle-là. Dégages, sale bête ! Hurlait Blysse en repoussant l’animal.
Elle finit par la soulever devant les yeux inquiets du simplet et la propulsa dans le purin. Cette dernière s’y creusa un trou et s’allongea. Le calme reprit.
Quelques minutes plus tard, ils passèrent devant un panneau.
– Mais, on va pas vers Molline là.
– Bêh non on va chercher un gaillard à Toulbass avant c’tait marqué su l’site nan ?
– Non justement. On va jamais arriver avant la tombée de la nuit !
– Sûr que non, on va arriver d’amin soir. On passe aussi en chercher une à Balombe, une éleveuse de puces.
Cela faisait tout le week-end que Blysse attendait que la boutique ouvre. Déjà parce qu’elle avait grand hâte de boire un bon jus de houblon à bulles mais aussi parce qu’elle avait besoin de matériel.
Cependant, en arrivant devant la boutique, qui portait le doux nom de « Siber binouz », la femme d’une quarantaine d’années vit que de la fumée s’échappait de la porte et que des cris semblaient provenir de l’intérieur de la pièce.
Les deux vitrines qui entouraient la porte, d’habitude impeccables, étaient maculées de poussière noire ou bien carrément explosées. De petits débris de verres jonchaient le sol du trottoir et plusieurs articles qui servaient à aguicher les passants avaient été réduits à l’état de cendres.
Habituée des situations dangereuses comme se devait l’être une soldate comme elle, Blysse sortit son épée de son fourreau, la prit à deux mains, la mit en garde et passa à pas lents l’entrée. S’attendant à découvrir quelque monstre incendiaire, elle fut étonnée de trouver les habituels clients posés à jouer dans la boutique tandis que Lucine lançait des coups de pieds dans un spectre agenouillé à nettoyer au chiffon les meubles recouverts de suie.
– Et que ça brille le chiffon ou j’essuie la boutique avec ton châle ! Hurlait cette dernière.
Elle semblait deux fois plus énervée que d’habitude si tant est que ce soit possible.
– Des soucis ? Demanda la soldate.
– Encore un abruti qui m’amène un parchemin explosif , qu’est ce que j’y comprends moi à leurs hyéroglyphes sur leurs papiers, là. Râlait la patronne tandis que la nouvelle venue hochait la tête.
– C’est des idiots. Vu que le parchemin coûte soixante pièces d’or, ils se disent je vais aller le photocopier pour cinq et le revendre cinquante. Comme si personne n’y avait jamais pensé.
– Ouais… Bon et toi tu veux quoi aujourd’hui ? Fit Lucine.
– Moi, ce serait pour un casque connecté. Le mien a rendu l’âme vendredi après qu’un barbare m’ait mis un coup de hache en plein sur le bleu machin là.
– Ah un casque blue touffe , oui j’en ai toujours là-bas sur l’étagère, bon là elles sont un peu noires mais un peu d’eau et on y voit plus rien. Lâcha la commerçante.
Blysse se retourna et alla vers une des étagères où étaient alignés plusieurs casques en métal parés de fourrures bleues qui malgré l’encrassement à la suie avaient encore une couleur éclatante.
– Bon, c’est pratique le kit main libres. Mais niveau discrétion sur les champs de bataille, t’es sûr que la première flèche elle est pour toi. Et ça c’est quoi là ?
Blysse montra une bobine de fil où un écriteau surplombant affichait.
« Promo. Cable SATA en poils de loup-garou ».
– Ah ça, c’est du câble que tu te branches dans l’oreille et dans celle d’une autre personne et ça t’aide à transférer ta mémoire plus vite qu’un sortilège. Bon, par contre, des fois, c’est gênant, ça transfère des trucs que t’aurais pas trop envie que les autres voient.
– Ah ouais ? Trop bien ! Je te le prends ! C’est combien ?
– Dix huits pièces d’or mais dix sept parce que c’est toi.
– Marché conclu. Blysse sourit et retourna vers le comptoir pour payer le câble et un casque dont deux oreilles bleues touffues dépassaient.
– Ah, t’as pris le modèle ours, il est bien celui-là. Tiens regarde, tu peux jouer de la musique.
– Il en faut …zbbezbertt… peu pour être heureux, vraiment très peu …brbzzzt … pour être heureux il faut juste faire le nécessaaaaaaaaaaaaaiiiiiiiiiiiire – s’échappa faiblement du casque que tenait l’humaine dans les mains.
Blysse posa les pièces sur le comptoir, enfila le casque et sortit de la boutique en dansant.
– Mais, vous n’allez pas me revendre vos godasses pourries que vous venez d’enlever quand même ?! Espèce de crado, dégages moi ça de la !
– Mais, mais…
– Allez vires ça de sous mon nez ou bien je te fais dégager par la garde ! On est une boutique sérieuse ici, pas une décharge. Il s’est jamais lavé les pieds ou quoi celui-là ?
Gorbiis regardait amusé Lucine, la tenancière de la Ouaib auberge envoyer balader un de ces aventuriers qui cherchait à vous fourguer ses vieilles guenilles puant la sueur. Il y’en avait tous les jours. L’autre fois, il y’en avait même un qui avait enlevé son pantalon devant tout le monde, provoquant le malaise général dans la boutique.
Un calme relatif retomba sur la pièce lorsque le baroudeur fut propulsé à travers la porte par Gnüt, un habitué, qui avait la particularité d’être un troll de deux mètres cinquante, entièrement constitué de muscles.
Les autres clients reprirent leurs activités. Certains jouaient à danse avec les orcs sur des tapis lumineux ou à call of baston derrière des écrans. D’autres envoyaient des mandats cash à des brouteurs polymorphes des terres de l’ouest ou sirotaient des verres de bière en bricolant des gadgets explosés certainement récupérés dans des donjons.
Les yeux de Gorbiis s’étaient de nouveau rivés sur son écran.
« Cameliana. Humaine. Prisonnière d’un dragon. Aime les chevaliers barbus. A 3 bourgades de vous «
« Satina. Elfette. Habite en haut d’un arbre. Adore les tours de magie. Préfère les chevaliers barbus. A 30 minutes de cheval de vous ».
En effet, il était occupé sur AdopteUnePrincesse.corne, car, bien qu’il soit hyper costaud, relativement riche, et avec une réputation qui n’était plus à faire, il restait désespérément seul.
Il se redressa sur son siège et grommela :
– Ah, j’en ai marre ! C’est tout le temps la même chose !
– Bah quoi ? – Fit Lucine. Avec un ton encore exaspéré de la scène précédente.
– Elles veulent toutes des chevaliers barbus ! Mais la barbe, c’est hyper chiant ! ça vous gratte dans l’armure, faut la laver souvent, ça prend feu quand on attaque les dragons. C’est dingue ça.
– Dis plutôt que t’as la flemme de la laver ouais – Lança la tenancière, goguenarde.
– C’est vraiment nul comme site. Dire que j’ai payé vingt pièces d’or l’accès pour le mois. J’aurais mieux fait de m’acheter à boire
– Ah oui, ça aurait été mieux . Grimaça Lucine qui se tourna vers la porte tandis que la cloche qui signalait les nouveaux arrivants venait de sonner.
Un spectre drapé d’un tissu noir rentra en flottant dans la boutique et s’arrêta devant le comptoir. – Bonjour, je peux faire quelque chose pour vous le drap ? – Fit Lucine en pouffant.
– Gröm. Fit le spectre en sortant un parchemin de sous son châle.
– Une seule photocopie ?
– GrÔom.
– Couleur ?
– Grohm.
– Voyons voir… Encre de calmar rose et dorure.
Puis Lucine disparut dans l’arrière-boutique avec le parchemin. On entendit claquer le capot de la parchocopieuse dans toute la boutique. Elle était vraiment de mauvaise humeur aujourd’hui. Il faut dire que c’était le premier jour de travail de la semaine et elle était souvent comme ça.
Soudain, une vive explosion secoua la boutique et mit tout le monde à terre. La casquette de Lucine fut propulsée à travers la pièce, noircie. Les vitrines du magasin avaient partiellement explosé et de la suie recouvrait la plupart des articles sur les étagères ainsi que les clients.
Lucine sortit de l’arrière-boutique, d’où sortait un panache de fumée noire et opaque mais l’on pouvait voir la fureur dans ses yeux au milieu des multiples contusions de son visage.
– Combien de fois faudra-t-il que je répète qu’il est INTERDIT DE PHOTOCOPIER DES PARCHEMINS EXPLOSIFS !
Notre histoire se passe au fond du métro Moscovite où, suite à une guerre nucléaire, le taux de radiation est suffisamment peu élevé pour permettre à des tribus de survivre dans les différentes stations de métro. Des clans se sont formés au sein de ces correspondances et une organisation s’est installée entre celles-ci pour continuer d’exister tant bien que mal.
C’est donc au travers de ce triste décor qu’évoluent nos protagonistes. Le récit nous montre ce que deviendrait la société humaine si elle venait à devoir se confiner plusieurs mètres sous terre.
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Mon avis global :
J’ai adoré cette trilogie que j’ai écouté en livre audio durant ces derniers mois. L’auteur vient dans ces trois tomes creuser en profondeur ses différents personnages et faire, au travers d’un récit parsemé d’intrigues diverses et variées, une anticipation, de ce que nous deviendrions si une bombe venait à nous obliger à vivre dans des souterrains. Bon, certaines choses relèvent tout de même du fantastique !
Les récits viennent ici déformer le futur tout en prenant racine dans un passé bel et bien existant en faisant référence aux dirigeants Russes et à la guerre froide.
En bref, je ne peux que recommander aux amateurs du genre cette trilogie que je suis bien triste maintenant d’avoir fini. A aucun moment, en trois tomes, je n’ai trouvé le temps long ou n’ai trouvé que l’on tournait en rond. On est bien loin des codes habituels ce qui n’en fait pas un énième récit survivaliste lassant et mal décrit.
Je me suis senti aussi immergé qu’en jouant à Fallout disons. Mais avec en plus toute la dimensions psychologique que Dmitry Glukhovsky vient explorer de manière très détaillée et subtile.
En vous souhaitant bonne lecture si cela vous a donné envie de vous lancer dans leur écoute/lecture. Je suis également preneur de vos suggestions de lecture !
J’ai lu ça il n’y a pas longtemps et vu que j’ai adoré je me suis dit que j’allais en profiter pour vous le partager.
C’est une petite (grosse) BD bien sympathique qui retrace le chemin de Thomas Pesquet (qui repart d’ailleurs dans 20 jours !! ), de sa candidature pour devenir astronaute jusqu’à son retour de mission sur l’ISS en 2017.
J’y ai appris beaucoup de choses et l’humour de l’auteure est simplement génial. Je me suis marré à de nombreuses reprises. La bande dessinée apporte des réponses à des questions que l’on ne se serait pas forcément posé et démystifie de nombreux aspects de la vie d’astronaute. On y découvre également la coopération internationale qui a lieu sur cette station.
Le seul regret que j’y ai eu, c’est que j’aurais parfois aimé en savoir plus sur certains sujets, mais la profondeur avec laquelle sont abordés les différents aspects de la missions est plutôt équilibrée tout le long de l’ouvrage et on ne peut pas aborder un sujet si vaste et tout détailler. J’ai depuis été assouvir ma curiosité sur d’autres articles, on va donc dire que ça m’a mis un pied dedans !
Côté compréhension, tout est abordé avec une étonnante simplicité donc il n’y a pas besoin d’avoir de notions scientifiques particulières pour comprendre ce qu’il s’y passe.